Rezensionen
octobre
1995

Pulp

« Soixante-quatorze ans de bon vin, de bonne plomberie et de grasses matinées », indiquait « Buk » à un journaliste qui lui demandait ce qu’il y avait de plus important dans sa vie. Il y a presque un an qu’est mort cet auteur américain de romans, nouvelles, scénarios et de plus de 1000 poèmes. Il était un écrivain « culte » pas seulement dans son pays. Admirateur de Céline et de Henry Miller, il puisait son inspiration comme eux dans sa vie même et se faisait le héros de ces histoires dérisoires et subtilement triviales, d’où l’hypocrisie, le bon goût et la pensée « politiquement correcte » sortent singulièrement éreintés. Il voulait démasquer la folie ordinaire et être lyrique avec ce qui n’a pas l’air de le mériter.

Avec son dernier livre Pulp, en détournant le roman policier et la littérature de gare, Bukowski a écrit un roman philosophique d’aujourd’hui, sans vanité, mais avec une prétention énorme. Dans Pulp « Buk » est détéctive chargé par la Mort de retrouver quelqu’un qui lui a échappé. La personne cherchée, un écrivain francais mort en 1961, n’ est personne d’autre que Céline qui vit maintenant aux E.U où il fréquente des librairies sans acheter des livres. La Mort « veut s’offrir le plus grand écrivain francais ». Est-ce que Céline échappera au détéctive, comme le détéctive a échappé à la mort ? Est-ce que Buk est saoul ou est-ce que la mort, cette grosse femme pleine d’allant se moque d’un moribond ? Est-ce que le délire dure toujours ? Buk était prêt pour une paisible soirée en Enfert. Mais en Enfert les furieux et les crétins se partagent le terrain.

Pulp, comme toute l’oeuvre de ce Mathusalem au Panthéon de ces écrivains artificiers qui ont choisi de traiter leur vie comme on traite un cordon pickford, échappe en tout cas à la surveillance morbide de ceux qui bavardent sur la mort de la littérature et de la décadence, mais excitera en revanche les amateurs de littérature et les esprits libres.

A ce qu’il parait, on a apercu Buk récemment dans une librairie du Quartier Latin. Si on survit le saut du 8eme étage, on survit tout ... même la mort.

Pulp
de Charles Bukowski
traduit de l’anglais de G. Guégan
Grasset, 265 p., 110F